Musique Classique/Contemporaine

JOHN ZORN - LEMMA (2013)




Il m'était impossible de ne pas parler du mythe John Zorn dans une de mes chroniques. Saxophoniste dans des groupes tels que MasadaPainkiller ou encore Naked CityJohn Zorn est peut-être un des musiciens les plus inclassables de ce vaste monde qu'est la musique. Après être passé à travers des centaines de disques par le jazz, le death-metal, le grindcore, le free-jazz, la musique expérimentale, le klezmer, la surf, j'en passe et des meilleurs, John Zorn a toujours su innover et étonner les mélomanes qui le suivent. Et c'est une fois de plus le cas avec ce disque. Car si j'ai parlé des différents styles de musique qu'il pratiquait, j'en ai toutefois oublié un : la musique contemporaine. Et autant dire qu'il excelle dans ce domaine.

Dans Lemma ce n'est pas de grand orchestre dont il est question, mais simplement de trois violonistes : David FulmerChris Otto et Pauline Kim. Trois violonistes pour trois parties distinctes.
La première, réservé à la gente masculine, avec un duo de violons appelé Apophthegms décomposé en en douze parties (ou miniatures) ne dépassant les trois minutes chacune mais formant un long morceau de plus de 20 minutes. Entre grincements d'archets et cordes frottées délicatement, entre passages complètement barrés et d'autres beaucoup plus calmes, les deux violonistes nous étonnent par leur virtuosité, que les cordes soient frottées, grattées ou pincées. Un très grande performance !

Le morceau suivant, Passagen, longue pièce proche du quart d'heure fait la part belle à la violoniste Pauline Kim ici soliste. Son jeu nous dépayse, et à elle seule, elle réussit à nous stupéfier de par sa technique mais également de par sa folie. Vous n'allez pas voir les 15 minutes passer. Pour terminer ce disque, un morceau déjà connu car présent dans Music and its Double (datant de 2011, ce qui correspond à une vingtaine de disques jusqu'à aujourd'hui chez Zorn) dans une version avec batterie : Ceremonial Magic. Ici, c'est en violon solo qu'il est présenté, ce qui permet s'en saisir encore plus les subtilités de David Fulmer. Dynamique et décousu sont les deux mots qui me viennent à l'esprit quand j'écoute ces 4 parties. Mais je ne dis pas ça péjorativement, bien au contraire. Cette sensation de "décousu" (car ce n'est qu'une sensation après tout, tout est très cohérent) sert à créer un suspens qui rend cette pièce encore plus angoissante que celle avec batterie. Et dynamique car certaines lignes répétées pendant plus d'une minute en deviennent hypnotisantes. Angoissant et hypnotisant sont les deux mots qui me viennent à l'esprit quand j'ai fini l'écoute de ces 4 parties.
Lemma n'est donc pas un album à conseiller à ceux qui veulent entrer dans l'univers Zorn. Si c'est votre, préférez The Gift, The Dreamers ou encore At The Moutains of Madness d'Electric Masada. Même les amateurs de musique contemporaine pourront être déconcertés par cet album très sombre et assez avant-gardiste. Au final, c'est une très grande réussite de la part d'un compositeur qui n'a plus rien à prouver mais qui le fait quand même, au risque de laisser des gens sur le carreau. A réserver aux plus téméraires d'entres vous.

SZYMON KURAN - Post mortem/Um Nottina/Requiem

Musicien polonais à la nationalité islandaise, Szymon Kuran n'a jamais suscité beaucoup d'intérêt et est toujours resté assez méconnu. Né en 1955, il apprend le violon alors qu'il est encore jeune. En 1984, il est nommé deuxième violon de l'Orchestre Symphonique Islandais de Reykjavik, ville où il restera jusqu'à sa mort. Il compose plusieurs oeuvres telles que Post Mortem présent en introduction de ce disque. Sa principale oeuvre est son Requiem, dont je consacrerai la majeure partie de cette chronique. Szymon Kuran meurt le 7 août 2005 à Reykjavik, d'une raison qui m'est inconnue.

Venons-en à ce disque. Post Mortem (1982) et Um nottina (2002) introduisent cet album plein de noirceur et de mélancolie. Post Mortem, enregistré à Gdansk en 1982, dirigé par Karol Teutsch, oeuvre pour violons. Pièce courte, mais pleine de subtilités. On ressent déjà cette mélancolie propre au compositeur, qui ne fera que s'accroître au fur et à mesure sur la fin. Um Nottina, enregistré le 15 novembre 2006 à Warszawa, dirigé par Andrzej Borzym. Um Nottina, signifiant Dans La Nuit, porte plutôt bien son nom : oeuvre pour violon, choeur de femme et cordes, elle se trouve dans la continuité du morceau précédent, le choeur en plus, qui rajoute un côté religieux moins évident précédemment. Et les choeurs se feront encore plus présent sur le Requiem. 



Ce Requiem, dédié à la mémoire de Brynhilda Sigurthardòttir, débute d'ailleurs par un choeur. Mais un choeur d'hommes cette fois-ci. Un choeur d'hommes à la voix extrêmement grave. Ces hommes à la voix sombre chantant un chant religieux entrecoupé de moments de silence. Puis les violon réapparaissent ainsi que des percussions. Le choeur d'homme reprend l'introduction, une nouvelle fois a cappella. Et nous enchaînons avec le magnifique Kyrie, cette fois chanté par un choeur d'enfants accompagné d'un violon. A noter que le violon soliste devait être joué par Szymon Kuran en personne, ce qui ne sera malheureusement pas le cas... Ce court morceau se conclut par un son de cloche qui introduit le somptueux Dies Irae... Morceau qu'on pourrait presque qualifier d'ambient, bien qu'il garde un côté classique. Dans ce morceau se côtoient choeur d'hommes, choeur de femmes (parfois ensemble), ainsi qu'un somptueux solo de violon, pour un final absolument magnifique avec cloches, flûte, cordes, violon, percussions, et les choeurs d'hommes, de femmes et d'enfants. Presque tout le monde donc, pour un final qui restera encré dans ma mémoire pour très longtemps !

Le violon réapparait en duo cette fois avec une guitare électrique (en son clair, je vous rassure) où viennent s'ajouter des voix de femmes susurrant des mots latins de manière inquiétante... C'est glaçant, et absolument brillant ! Rex Tremandae, quant à lui, fait la part belle au choeur masculin accompagné de percussions, plus ou moins énervés... Confutatis, ou le principe est à peu près le même, mais avec le même choeur de femmes chuchotant... L'album est définitivement sombre ! Et le solo de violon qui introduit Lacrimosa sera du même tonneau : sombre, mélancolique, mais toujours aussi beau... Et quand il est accompagné d'un choeur de femmes aux voix somptueuses, cela ne fait qu'accentuer cette beauté présente tout le long de cet album ! Offertorium, où un solo de flûte viendra s'ajouter, avec un passage réunissant une nouvelle fois les trois choeurs, ainsi que les cloches et les cordes... D'une puissance et d'une beauté ! Pour une fois, c'en est presque lumineux ! Mais le final se révélera sombre... Tout comme le morceau suivant, Sanctus-Benedictus, avec toujours un jeu de percussions très marqué.



Pour débuter le morceau suivant, le choeur d'hommes chante a cappella, mais se fera vite accompagner par le violon et les cordes, pour laisser apparaître le choeur fénimin, pour un final grandiose et épique ! Oratio II, morceau très court, fait la part belle à un enfant en soliste, accompagné du violon et de cordes très sombres... Et Lux Aeterna débute, sur des sons de cloches, décidément omniprésentes tout le long de ce Requiem ! Les choeurs d'hommes et de femmes chantent une nouvelle fois ensemble... Et la mélodie du premier morceau est reprise à l'identique ! Et ça fonctionne toujours aussi bien ! S'ensuit un passage calme avec une mélodie chanté par un enfant, puis plusieurs, pour un très joli crescendo avec toujours ces magnifiques soli de violon ! Tout le choeur d'enfants reprend la mélodie, et ça fait froid dans le dos, c'est le moins qu'on puisse dire ! Puis les trois choeurs clôtureront ce Requiem de façon magistrale !

Que penser de ce Requiem ? Pour ma part, c'est un véritable chef-d'oeuvre, un bijou musical, une perle rare, comme on en trouve que trop rarement... Et je ne remercierai jamais assez un certain Guy de me l'avoir fait découvrir ! Ce disque est plutôt court, avoisinant les 45 minutes, mais ce sont 45 minutes où la beauté et la magnificence sont à leur paroxysme, où le remplissage n'existe pas... Cet album se fait de plus en plus rare et va devenir de plus en plus difficile à trouver. Alors, il serait bête de s'en priver...
Ce Requiem est marqué par la noirceur, c'est une oeuvre extrêmement sombre et difficile d'accès... Mais par moments lumineuse et d'une si grande profondeur, qu'il serait presque capable de vous tirer des larmes... Et ce n'est pas donné à tout le monde de me faire pleurer !

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